Interview par Mathilde Roman

MR : Veronique Hubert, tu prépares une exposition Acedia qui va ouvrir le 15 mars a la galerie quang

Interview
de Véronique Hubert par Mathilde Roman


MR :
Véronique
Hubert, tu prépares une exposition ACEDIA, qui va ouvrir le 15
mars à la galerie quang. Tu vas proposer des installations,
des vidéos, des photos, des dessins. Donc tu as une pratique
assez diversifiée qui emploie différents medias et qui
est assez multiple. Comment la définirais-tu ?


VH :
En fait c’est effectivement la même pratique depuis
quelques années, je m’autorise tout et en fonctions des
idées ou de ce qui m’intéresse avec les
personnages que j’ai mis en place et les obsessions que je peux
avoir et que je fais passer à travers ces personnages, j’ai
besoin de medias différents que je maitrise ou pas (dans ce
cas là je me fait aider) et effectivement comme je travaille
beaucoup avec le son, l’image et le texte, ça peut
passer par tous les medias.


MR :
Ce qui revient souvent c’est une attitude de recyclage par
rapport aux choses. Tu recycles des sons, des histoires, des formes,
ce qui est assez présent dans l’art mais qui chez toi
est un peut-être un statut assez particulier, qui fait que tu
laisses trainer des oreilles, tu ramasses ce que tu vois. Est-ce que
du coup ça redéfinit un nouveau statut par rapport à
la création ?



VH :
Je pense que ça vient de la formation que j’ai eue à
Paris 1, qui fait que j’ai butiné. Ca ne veut pas dire
que ça n’était pas sérieux, juste que ça
m’a permis d’ouvrir les yeux, les oreilles de faire de
l’ethnographie, de l’ethnologie, même si c’est
par petites doses en restant modeste. Etudier le cinéma, la
musique et en même temps la psychanalyse, tout ce qui pouvait
avoir à matière à construction de l’expression
artistique ou autre et effectivement avoir une pratique entre la
photographie, la sérigraphie, ou autre chose. Essayer plein de
choses et s’apercevoir qu’on n’est pas obligé
de rester dans une voie ou pratiquer une seule matière et
qu’effectivement les informations, les formes viennent de
différents types de medium, de différentes sources plus
une espèce d’hypersensibilité, je ne sais pas
comment la définir, c’est très personnel, à
tout ce qui m’entoure. C’est vrai je suis en mode de
perpétuel enregistrement. Tout m’intéresse.
Autant un tag inscrit sur un mur que l’annonce d’une
pièce de théâtre sur une affiche dans le métro,
qu’effectivement une discussion entre deux personnes dans
laquelle j’entends une phrase amusante et en général
que je note. Avant j’avais un appareil photo mais bon c’était
limité à l’image. Et le fait d’avoir un
carnet et de noter tout ce qui me passe par la tête et ce que
j’ai entendu et que je vois, c’est comme un atelier
ambulant.


MR :
Donc ensuite tu construis de l’ordre de la fiction. Tu n’es
pas non plus dans une démarche documentaire. C'est-à-dire
que la tâche de reconstruction dans la création est très
importante chez toi.


VH
Ca oscille entre les deux il peut y avoir une sorte de contemplation
par rapport au réel. Alors ce n’est pas du documentaire,
il y a un engagement dans le documentaire qui est autre. Mais c’est
vrai que par moments je n’aurais pas envie de toucher à
ce que je récolte. Y a cette obsession d’enregistrer les
choses, des cadrages comme je l’ai fait l’autre jour ou
hier soir. C’était hallucinant de filmer une personne
qui mixait devant y avait une petite fille qui avait une nintendo,
donc elle était éclairée par la lumière
de son écran. La personne qui mixait derrière était
éclairée par un autre écran. Derrière
c’était la ville, c’était Paris. Voilà
j’ai pris ça, je ne sais pas ce que je vais en faire
mais voilà, c’est quelque chose que je n’ai
presque pas envie de toucher.

Comment
je l’expose

et à partir de quel moment ça fait partie de ma base de
données? Je peux très bien l’insérer dans
un mix pour une soirée, je mixe du son, du cinéma et
des performances ou le mettre dans une fiction ou dans une
installation qui n’aurait pas de sens fictionnel mais de la
poésie telle quelle. Je m’autorise vraiment tout. Ca
peut être recyclé en fonction de la mise en scène,
de ce qu’on veut montrer.


MR :
Justement là tu prépares une exposition en galerie mais
en même temps tu parles de concerts, tu organises des soirées,
des événements, tu aimes bien sortir des lieux
traditionnels en termes d’art plastiques en tout cas tels qu’on
peut l’entendre. Tu as distribué des tracts. Quelle
relation tu souhaites entretenir avec le spectateur ? Pourquoi
tu essaies de t’échapper du contexte plus muséal
de l’art ?


VH :
Ce
n’est pas échapper parce que j’ai organisé
des soirées au Centre Pompidou dans la grande salle. J’ai
créé avec d’autres artistes des collectifs, où
on s’inscrivait vraiment dans la structure de l’art
contemporain, même si on organisait des expositions dans les
suites de Luxe de l’hôtel Scribe. Je pense que ce n’est
pas d’aujourd’hui, quand on voit dans tout ce qui s’est
passé au début du 20eme siècle le Bauhaus enfin
toutes sortes… pour moi tout est relié. Ca vient peut
être de mon origine sociale. J’ai toujours reliés
les lieux de la vie et de l’art. Je ne le pense pas comme une
échappée. Je pense que c’est une proposition avec
les lieux qui ont la logistique. Je le pense comme, c’est peut
être naïf, une création de laboratoire où il
y a un échange entre ceux qui donnent et ceux qui sont là
pour recevoir ou participer et il se passe quelque chose. C’est
un temps donné. Ca ne dure qu’une période et ce
qui est intéressant c’est de voir que dans l’histoire
de l’art les courts événements (ex : les
performances des années 70) ont été enregistrées
et ont marqués. C’est la trace qui reste qui est assez
marquante. Et puis ça balise le parcours. J’aime bien
baliser mon parcours de rencontres. Ca redynamise. Ca fait des
échanges. J’ai peut être besoin de partenaires,
que ce soit les acteurs donc ceux qui participent en tant
qu’artistes et les spectateurs qui ont un retour direct. Et ça,
c’est très important pour vous aider à continuer.
Je ne pense pas m échapper du système.


MR :
Oui le système est aujourd’hui assez ouvert pour qu’on
puisse faire ces va et vient.


VH :
Je comprends le sens de ta question. Comme j’ai intégré
très vite des interventions sonores qu’elles soient
festives ou expérimentales et du mixes visuels par des
mélanges d’images de cinéma de vidéo que
je recyclais depuis des années. Au départ on ne prenait
pas trop ça au sérieux. Ca faisait évidemment
boites de nuit, à la mode, branché. ET c’est pas
ça du tout. En fait pour moi y avait une manière, une
matière que ce soit une musique, les paroles, le cinéma.
C’était pour moi évident que c’était
dans l’art contemporain que le reste (les lectures, les poésies
contemporaines ou les performances d’artistes). Donc j’ai
toujours voulu mélanger. De la même manière que
j’ai voulu inviter des gens confirmés comme Orlan et
puis en même temps je m’intéressais aux étudiants
en art qui avaient peut être quelque chose à proposer.
Peu importe qu’ils soient artistes ou pas mais c’était
très important très excitant de voir. Et puis les gens
se rencontrent comme ça et ça c’est très
intéressant de voir les gens qui travaillent ensemble.


MR :
Oui cette dimension de l’organisation c’est très
important pour toi. Tu t entoures souvent de personnes dans ce genre
d’événements. En même temps quand on
regarde tes films, tes photographies, t’es toute seule. Tu es
dans une pratique de l’auto-filmage, une esthétique
assez pauvre ou au contraire, on t’imagine travaillant toute
seule dans ton atelier à la Vito Aconci. Enfin dans tout ce
qu’on voit dans le début des vidéos, dans cette
esthétique là de la relation presque narcissique, enfin
en tout cas tel qu’on en a parlé ; de la vidéo
à son medium, de l’artiste à son medium.
Peut-être que spontanément quand on voit ça et
qu’on voit à coté de ça cette dimension
sociale, cette dimension participative que tu as avec les
spectateurs, mais aussi les artistes que tu réunis autour de
toi. Comment fais tu le lien entre ça?


VH :
En fait il y a les deux, parce que si on regarde les vidéos
comme « Ampli Sexy », comme « Missing
Pavel », comme le site internet qui a été
créée autour d’un personnage fictif, d’un
photographe de musique qui a disparu, j’ai toujours eu cette
complicité avec les gens. Y a pas mal de vidéos où
les gens, gentiment avec la patience et confiance qu’ont les
gens envers moi interviennent, y compris la chorégraphe
Sidonie Rochon, qui a accepté de jouer de danser d’interpréter
pour moi des choses. Mais c’est vrai que le coté Vito
Aconci avec le coté narcissique, il faut en fait penser au
coté pratique. Quand j’ai une idée et qu’il
faut que ça aille vite et que je n’ai pas les moyens et
le temps d’appeler un acteur, de financer ou de trouver un
studio, un endroit de décor pour filmer, il y a cette fée
Utopia ou un des personnages que j’ai inventé, qui va
pouvoir comme dans les dessins ou les vidéos, matérialiser
cette histoire. Donc c’est très pratique. Comme j’ai
aussi trouvé cette technique : je filme en nightshot et
j’accélère la voix. On voit bien que c’est
moi mais ce n’est pas moi en même temps ce n’est
pas non plus Véronique Hubert, qui se filme en situation
extrême, comme Vito Aconci qui est entrain de dire quelque
chose sur la société. Moi je le dis à ma manière
mais je passe à travers un personnage, qui est absurde, qui
est agaçant, qui fait n importe quoi et qui du coup peut se
permettre de faire énormément de choses, mais ce ne
sera jamais moi. Utopia n’existe pas. De la même manière
que je n’interviendrais pas dans une soirée ou dans un
événement artistique en faisant une performance
habillée en Utopia. C’est une pure image. Et j’ai
besoin de
cette
image pour pouvoir exprimer l’idée à ce moment
là. Donc en effet là en ce moment, elle sort de
l’atelier avec cette structure en bois. Elle se cogne contre
les édifices, contre les arbres où elle apparait et
disparait. Mais ça a été très difficile
parce que je suis plutôt derrière l’appareil. Et
se filmer chez soi on est tranquille. Si on s’écroule,
qu’on tombe par terre, qu’on rigole ou qu’on rate
la prise, on est tranquille. Personne ne vous regarde. Par contre
à l’extérieur, ça devient une
performance, chose que je n’avais pas du tout envisagé
la première fois que j’ai filmé à
l’extérieur le personnage et que là ça a
changé de mode pour moi et je me rends compte que je suis
passée a une mini-performance filmée.


MR :
Y a à la fois quelque chose de brillant comme ce carton, c’est
la fée, mais en même temps c’est une fée un
peu désillusionnée.


VH :
C’est tout à fait ça.


MR :
Et assez fade aussi au niveau des couleurs, on est un peu en
entre-deux.


VH :
C’est dans l’extrême. Parfois elle peut être
complètement saturée. Je sature et je maltraite les
images. Et je m’autorise tout avec les logiciels, comme on
pourrait crayonner de façon expressionniste. Mais en fait
c’est une fée mais je ne suis pas Mariko Mori dans mon
travail. Je ne suis pas dans l’idéalisation d’un
personnage, qui peut sauver le monde soit d’avoir une
esthétique comme ça très idéale. C’est
une fée qui, il faut le dire, se saoule, qui pète des
chiens qui est en ce moment dans une posture d’acedia, une
espèce de déprime. Mais pas comme je disais
« pessimistes de tous les pays unissez vous »,
pas quelque chose de destructeur. Comme une pause, elle arrête
de s’agiter. Effectivement elle est de pacotille. Elle est en
tongs.

J’ai
volontairement dans le carton
montré
que ce sont des fausses ailes. Bien évidemment parce que c’est
l’idée de la fée. C’est l’idée
de ce qu’on voudrait. Quand on est petit, ou adulte, on
s’accroche à quelque chose. Et ce quelque chose, ça
reste une idée fixe qui permet d’avancer. Je crois que
j’aime beaucoup le burlesque parce que c’est dramatique
et drôle en même temps. Et on revient au dramatique, ce
qui n’est pas facile dans la vie dans le monde et dans ce qu’on
est soi-même. Mimicry était pareil. C’est une
espèce de personnage avant Utopia (je continue à faire
vivre Mimicry), qui est là et qui se dispose entre acteur
effectivement avec le social. Y a des choses qui le dérange,
donc il va activer « allez on va vous raconter que les
chiens sont des agents spéciaux » et en même
temps il est contemplateur. A un moment il va dire « Mais
je peux rien faire moi tout seul, et puis j’en ai marre. Je
voudrais juste regarder et me reposer, regarder le monde »
Et cette fée c’est la même chose. Donc
l’esthétique pauvre et mon coté costume pas très
recherché, j’y tiens également parce que ça
me laisse beaucoup de liberté, beaucoup de marges. En plus
c’est très pratique, encore une fois je reviens, je ne
vais pas tout dévoiler. Mais c’est vrai qu’il faut
savoir quand on est artiste, on n’a pas forcément les
moyens et ça le public n’a pas à le savoir et
c’est vraiment une alchimie de plein de paramètres et il
faut trouver des astuces. Et j’ai trouvé une astuce avec
cette fée. Là dernièrement je suis allée
photographier dans le bois de Vincennes la fée à 2
degrés, en tongs avec des petites ailes et le cube. J’ai
vu un nombre incalculable de gens s’arrêter, avec la
famille, les vélos. Quelle apparition ! C’est
étrange ! C’est là que je me suis dis ça
marche ça fonctionne. J’ai un voile bleu qui n’est
pas extraordinaire, un cube. Y a pas grand-chose. C’est less is
more presque. Comme minimaliste.


MR :
Oui justement c’est parce que ça pourrait tenir
l’illusion que si ça ne le tient pas ce n’est pas
simplement parce qu’avec ta fée tu ne peux pas par
rapport au matériau, c’est parce qu’il y a un
choix de montrer que par moment elle ne tient pas l’illusion.
Si tu voulais même avec des ailes en carton l’illusion
pourrait tenir


VH :
Bien sûr, ça j y tiens absolument.


MR :
Alors pour revenir au titre de l’exposition qui est ACEDIA qui
est un terme qu’on retrouve depuis le moyen âge. Ce n’est
surtout pas de la déprime, c’est du désœuvrement,
du dégout, de l’indifférence, du découragement.
En fait c’est un terme qu’on retrouve à propos des
moines quand ils luttaient contre l’envie de sortir de leur
cellule, parce qu’ils étaient en état de crise
par rapport à leur choix de vie et donc par rapport évidemment
à leur spiritualité. C’est le doute qui est là
et qui fait qu’on a envie de sortir de sa cellule d’en
sortir pour aller voir le monde. C’est la mise en crise d’un
état personnel.

L’acedie
c’est un terme qu
’on
retrouve de plus en plus.


Effectivement
ça
fait beaucoup de sens pour comprendre le phénomène de
dépression contemporaine par rapport à des états
de crise des individus, sans doute, des états de crise
personnels. Cette fée elle est en état d’acedie,
en état de crise personnel. Est-ce que c’est un état
de crise par rapport au monde ? Qu’est-ce qu’une fée
en état de crise ?


VH :
Je suis partie d’une rencontre. Ca a été un
hasard. J’étais entrain de lire une analyse sur une
gravure de Durer, je crois que c’est Makovski, un critique de
cinéma, un scénariste. C’était une analyse
sur le songe du Docteur et effectivement de fil en aiguille c’était
intéressant parce qu’on se rendait compte qu’il y
avait de la paresse. D’un point de vue religieux, la paresse
était un des péchés capitaux. Enfin il ne faut
absolument pas qu’il y ait un état de paresse chez le
chrétien. L’acedie et la déprime donc la
démobilisation de l’esprit étaient interdit, bien
évidemment, parce que ça veut dire qu’on
s’éloigne de son devoir chrétien de prière.
Donc effectivement le moine qui est en doute s’il tombe dans la
déprime, ne fait plus son travail de moine, donc il faut
absolument lutter contre ça. C’est le coté
historique que je trouvais intéressant. Les gravures du 15eme
où les gens sont la tête dans les bras sur leur table ou
la personne qui doit travailler et qui a laisser tomber son outil de
travail. Ouh la la au secours il faut travailler, il ne faut pas
rester comme ça dans la fainéantise. Je me suis dis
c’est incroyable parce que je suis dans cet état là.
Après m être beaucoup cognée contre le réel,
être rentrée en guerre en résistance, j’ai
eu un moment de flottement d’apparitions, de disparitions, de
calme, comme dans un doute. Ou en tout cas la fée là
regarde, enfin moi - ça peut être un autoportrait
pourquoi pas - regarde un peu plus les choses et se démobilise
au lieu d agir et attend un petit peu effectivement.

J’
ai trouvé une parallèle, je suis dans cet état,
c’est pas une démobilisation de l’esprit qui
entraine vers une grosse dépression… Ce que je trouvais
intéressant avec cette histoire de moyen âge, de
cellule, de moine c’est que c’est pas grave. Quand on
voit dans la mélancolie de Durer, c est quand même pas
interdit tant que ça parce que c’est un état
passager. Ca veut dire que c’est un état nécessaire
parce qu’on va revenir après. Ca va remonter et on va
repartir dans la lutte et on va repartir dans quelque chose de très
convaincu donc finalement pourquoi pas ?

{..}


Il
faut maintenir une certaine joyeuseté pour ne pas entrainer
les autres. Après on est responsable. Y a tout cela qui rentre
en compte dans ce réel contre lequel on résiste et un
état personnel où on essaie d’équilibrer.
Et la fée je ne sais pas où elle est en ce moment mais
elle est peut être dans le doute personnel par rapport au monde
ou par rapport à l’art. Elle est en dans le doute et
elle est dans la contemplation et dans un détachement je
dirais, une attente.


MR :
Ca me fait du coup penser à cette vidéo « Ciao
Odile » de 2003 2004 qui emprunte une forme de
documentaire, qui est un faux documentaire sur une architecte Odile
Traoré, qui aurait construit tout un tas de maisons dans une
utopie sociale  « Construire des maisons pour tous ».
On voit des populations dans des territoires bombardés dans
une sorte d’apitoiement face à. Et puis il y a le combat
d’une femme extraordinaire, qui va lutter pour donner des
maisons à tous et puis il y a toutes ses images. Et de manière
intercalée, on te voit sur le canapé entrain de
souffler. Tu as l’air de t’ennuyer prodigieusement. En
tout cas d’être absolument pas convaincue ni enthousiaste
par ce portrait de femme, qui est pourtant extraordinaire de la
manière dont tu construis cette fiction là. Donc c’est
une vidéo qui est assez intrigante et assez proche de ce
personnage de la fée. C'est-à-dire qu’on aurait
presque envie d’y croire mais en même temps ça ne
marche pas. C’est comme cette fée on aimerait bien
qu’elle ait une baguette magique, mais on se doute bien que ça
ne va pas marcher, qu’elle va se cogner au réel et
qu’elle ne va pas réussir à le changer. On parle
souvent d’un déficit en termes de croyance de
l’engagement de l’art aujourd’hui. On est plus dans
une époque où on peut croire dans le pouvoir de l’art
à changer le monde. Dans le pouvoir de l’art à se
frotter au monde pour y imprégner une marque, pour créer
des maisons, et être dans des échanges et une posture de
don, de changement du monde. Est-ce que c’est finalement
quelque chose de représentatif de ta posture face à
l’art de ta croyance en quelque chose ou de ton déficit
de croyance ?


VH :
Déficit de croyance ? Bon le mot de croyance j’ai
un peu de mal parce que pour moi c’est tellement relié à
la religion ou à une utopie religieuse ou sociale. C’est
là où je pense que je suis vraiment pessimiste. Je ne
changerais rien. L’art ne changera rien. Par contre l’art
est comme un indicateur et je ne peux que dire où montrer des
choses. Après que les personnes qui les reçoivent, qui
les voient quel qu’elles soient elles aient envie de changer
les choses ou est-ce que ça les regonflent. Est-ce que ça
donne des envies ou une colère. Oui ça, ça
m’intéresse. Moi en tant qu’artiste ou citoyenne,
je ne pourrais pas changer grand-chose ni toute seule ni par l’art
que je crée. Ceci dit le message d’Odile Traoré,
qui est un nom africain mélangé à un nom
occidental. Elle est architecte ET urbaniste. C’est important
pour moi parce que urbanisme ça a tout de suite pour moi une
connotation plus sociale et plus populaire que l’architecture
toute seule. Les deux sont reliés. Et l’idée
c’était une absurdité, elle est décédée
mais elle a fait tellement de projet qu’il y en a pour quarante
ans de projets. Et de toute façon ce qu’elle a laissé
comme projets va pouvoir être construit sur des dizaines et des
dizaines d’années


MR :
Alors l’humour et l’ironie c’est toujours là


VH :
Oui
toujours
sinon c’est insupportable et dans ces cas là, il faut
que je m’engage autrement : politiquement ou que je fasse
des choses beaucoup plus extrême et plus efficace mais mon
travail n’est pas là. Ce n’est pas un engagement
social frontal c’est comme pour la paranoïa. C’est
comme ce que je suis entrain de dire en ce moment. C’est comme
des grosses lunettes, moi je regarde les choses et je les montre à
ma manière, mais je ne veux pas réussir à
convaincre quiconque. Je montre les choses telles que je les sens,
les ressens. Ca ne m empêche pas de passer mes messages, bien
sûr, politiques et sociaux. Comme ça…