La bonne position

 la bonne position

Partout
Avec Vous /

La
Bonne Position


Depuis
une dizaine d'années, Véronique Hubert élabore
une œuvre complexe qu'il ne faut pas réduire à
l'humour agité qui la traverse. Travaillant dans la
multiplication des compétences, sa dispersion contraste avec
la rigueur et la constance de son propos. Son œuvre se dessine
dans la superposition de ses expressions ; vidéos, tracts,
dessins, photographies et écrits, réalisés
depuis 1995. Une connaissance aiguisée de l'histoire de l'art,
du cinéma, du milieu médical, de la musique
électronique ainsi qu'une curiosité sans limites
fournissent à l'artiste un matériau très riche
qu'elle déploie dans des constructions fictionnelles, des
petites histoires ou saynètes interprétées par
des personnages "prétextes" faussement enfantins,
aux dérives paranoïaques. Une paranoïa que vient
renforcer l'emploi des initiales aux relents de groupuscule armé
comme
la
MADC
,
organisation fictive, ou encore
la
FAGM

(La
femme aux grosses mains)

titre de son roman paru en 2002.

Dernière
figure en date, Utopia, un personnage à mi chemin entre la fée
et l'ambassadrice d'un pays imaginaire, la Spotniavie "
en
voie de disparition géographique, culturelle et commerciale".

Lectrice
de Caillois, Véronique Hubert a donné corps à
quelques notions issues de son ouvrage "Des jeux et des hommes"
: Agon, alea ou bien encore la Mimicry, figure récurrente dans
l'œuvre graphique et vidéo. Cet anglicisme de Caillois
désignait au-delà du mimétisme, la capacité
à feindre lors du jeu, une personnalité illusoire. Chez
Véronique Hubert, Mimicry est une bite à lunettes,
malléable, l'acteur dérisoire de ses mini récits.
Une créature qui évoque le "gluon" de la
représentation tel qu'aurait pu le concevoir Topor, et qui
renvoie à une autre notion très importante dans
l'univers de Hubert, l'homéostasie.


Véronique
Hubert appartient à cette génération d'artistes
qui traitent la culture comme un "motif" une "nature"
à travailler. Amoureuse du cinéma asiatique avant qu'il
ne soit à la mode, de l'art conceptuel comme des mangas
japonais, elle revendique également des influences aussi
diverses que celles de Laurie Anderson ou Georges Simenon. Véronique
Hubert fonctionne par "entrées" dans l'œuvre
des créateurs qu'elle affectionne. Sans culpabilité,
elle mixe arte povera et références japonaises,
littérature policière et art conceptuel, abordés
comme un ensemble anhistorique de propositions de survie ou de
stratégies d'occupations. L'hyperactivité et la
multiplication de soi rendent ce travail, parfois difficile à
cerner. Comme le précise son auteur,

il
" ne se consomme pas sur le pouce"


Dans
son ouvrage
la
FAGM
,
Véronique Hubert met en scène une jeune femme, devenue
hypersensible et subissant les effets secondaires d'un traitement
expérimental. Au travers de cette fiction qui absorbe le
lecteur dans un univers sensoriel aux frontières de la
science-fiction, l'artiste met en scène la difficulté à
trouver un équilibre au quotidien ; L'homéostasie
devenant le paradigme de la relation au monde contemporain saturé
de sollicitations.
"L'homéostasie
se définit comme la capacité de l'organisme à
maintenir un état de stabilité relative des différentes
composantes de son milieu interne et ce, malgré les
changements constants de l'environnement externe."

Cette recherche d'équilibre entre sollicitations extérieures
et intérieures, recouvre une part importante des
interrogations de véronique Hubert : comment trouver "
la
bonne position
",
comment
"rester
calme"
,
ne pas paniquer. Comment, en même temps, assurer une vigilance
face aux injustices, racismes, à toutes les formes
d'intolérance, même tenaillé par une
"envie
monstre de pizza"
tout
à fait incongrue mais réelle.


L'individu
qui se dessine au centre de ces sollicitations, est comme pétri
par elles, équilibrant les différentes pressions, Le
modelage approximatif de Mimicry traduit de façon humoristique
la nécessité d'un changement d'état, mais aussi
une menace dans ce changement.

L'homéostasie
telle que la convoque véronique Hubert peut se concevoir
également comme une parodie de libre-arbitre, synonyme de
micro choix constants qui permettent de maintenir un fragile
équilibre, de conserver un semblant d'étanchéité
pour qui se sent débordé par l'agitation contemporaine
et le trop plein d'informations.

L'ouvrage
est une réussite humoristico-phénoménologique,
riche de l'expérience médicale de l'artiste, un livre
qu'il faut lire comme une autre entrée dans son œuvre et
dont la langue heurtée traduit les oscillations métaboliques
de son sujet.


Ce
terme d'oscillation recouvre assez justement la présence
alternative de l'artiste, au sens électrique du terme.
Véronique Hubert n'occupe aucun espace déterminé
mais crée dans divers supports, de la saturation des sens, de
la cacophonie, en réponse à celle que produit notre
culture et notre univers urbain. Elle fait aussi de son hyperactivité
un contrepoint ironique de la transversalité des pratiques,
souvent appelée, rarement respectée.


Véronique
Hubert dit travailler dans
"l'anxiété
des choix".

Une anxiété contemporaine qui veut que le moindre geste
ne puisse être fait sans appeler à des choix le plus
souvent aussi nombreux qu'inutiles. Des choix générateurs
de stress puisqu'ils laissent toujours à penser qu'on manque
quelque chose et qu'une vie ne pourra suffire, par exemple "
à
lire tous les livres de la bibliothèque
".
Choisir signifie aussi pour un artiste, que ce qu'il affichera
"dehors" devra manifester l'intégralité d'un
"dedans". Véronique Hubert ne se satisfait pas des
choix
"stricts
et définitifs", aussi travaille-t-elle à
l'élaboration d'
une
forme plastique complexe et dynamique qui puisse rendre compte de ce
que
"nous
sommes plusieurs à l'intérieur".


Son
univers s'enrichit constamment, et manifeste un éclectisme
assumé comme une réponse au déluge
d'informations reçues. Elle reconnaît un héritage
universitaire dans lequel la collusion des enseignements incite au
"butinage",
et conduit à accepter l'incohérence du monde dans une
relative sérénité. Une semi-quiétude qui
peut néanmoins se transformer à tout moment en paranoïa
pure et simple

Il
y a également quelque chose de para-cinématographique
dans la façon dont Véronique Hubert crée les
éléments qui circonscrivent une œuvre toujours à
penser et à faire, une suite de prétextes
hitchcockiens, un monde où les œuvres ne sont que les
indicateurs d'une pensée en mouvement, en perpétuelle
quête d'équilibre, à la recherche de la bonne
position, provisoire par nature qui n'a que faire des adhésions.


Parce
que la cohérence de son travail réclame de faire entrer
les
"autres
cerveaux"

dans le jeu, Véronique Hubert organise depuis 1996 des soirées
dans divers lieux : Galerie des Archives, Batofar, Nouveau Casino,
Pulp, MNAM ; des soirées lectures, des soirées de
projections vidéo et de sélections musicales. Y ont
participé un nombre impressionnant d'artistes, d'écrivains,
de critiques parmi lesquels on pourra citer Orlan, Vincent Labaume,
Paul-armand Gette, Claude Closky ou encore Martine Aballea, Vincent
Epplay, Tsuneko Taniuchi et bien d'autres ; Les œuvres
présentées y deviennent, plutôt que des produits,
les manifestations d'une dynamique intellectuelle. Mettre en scène
ce "besoin" des autres sans le "signer"
ostensiblement, demeure en art une audace à la limite de la
perversité, une attitude qui travaille d'anciennes
représentations qui n'en finissent pas de disparaître.
Ignorer la concurrence, moquer le monopole ego ne sont pas des choses
insignifiantes. Le milieu artistique a des délicatesses
d'entreprise. A ce titre, il n'est pas anodin que ces presque dix
années de promotion-création, n'aient valu à
l'artiste aucune presse, aucun écho en dépit d'un
succès jamais démenti.


France
Valliccioni


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Véronique
Hubert

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Partout
avec vous (Utopia et Mimicry)

Galerie
Vanessa Quang, du 26 au 30 juin 2004

31
rue St Roch 75001 Paris - Du mardi au vendredi de 14h à 19h
et sur rendez-vous le samedi

Tél.
et fax: 33(0)1 49 27 03 34

http://www.galerie-quang.com/

http://veronique.hubert.free.fr/